La fameuse théorie des
ouvertures !
Question : "Peut-on bien jouer sans la connaître ?"
Réponse à la Normande : "Oui et non !"
Oser jouer contre un adversaire qui joue théorique, un premier
coup comme : 1.e4, ou 1.d4 suivit de 2.c4 (le gambit Dame) sans étudier
au préalable, est proche du suicide échiquéen !
Voici les différentes
écoles :
Vous avez du temps et l'envie,
et vous envisagez de pratiquer la haute compétition (sinon pourquoi
dépenser autant d'énergie ?) vous étudiez pratiquement
TOUT !! Le style Kasparov.
Vous avez moins de temps, vous
bâtissez alors un répertoire d'ouvertures personnel limité
à quelques variantes, que vous étudiez à fond,
et construisez de cette façon votre propre théorie.
Vous avez très peu de
temps ou plutôt, vous préférez étudier le
milieu de jeu et les finales (!!), vous choisissez alors des ouvertures
marginales du genre : 1.b3 ; 1.g3 ; 1.Cc3 etc. Ou alors : 1.c4!? (l'Anglaise,
mais avec la ferme intention d'éviter les "grandes variantes")
ou encore, 1.d4! avec l'idée de jouer le début Colle,
l'attaque Torre, voire le système Veresov, vous concentrant ainsi
sur des schémas d'ouvertures et non sur des variantes.
Conseils aux débutants
: Il vous faudra quand même passer en revue les ouvertures classiques
telles que ; l'Italienne (1.e4 e5 2.Cf3 Cc6 3.Fc4) ; l'Espagnole (1.e4
e5 2.Cf3 Cc6 3.Fb5) ; le gambit Roi (1.e4 e5 2.f4) ; la Française
(1.e4 e6) ; la Caro-Khan (1.e4 c6) ; la Sicilienne (1.e4 c5), etc. Etudiez
en relisant quelques parties commentées (pas avec ECO
(Encyclopedia of Chess Openings) qui vous permettra seulement dans un
premier temps de mieux vous retrouver parmi les nombreuses ouvertures
répertoriées), retenez-en les idées principales
de manière à ne pas être totalement ignorant si
vous vous retrouvez confronté à elles malgré vous.
La réalité nous
enseigne que la théorie des ouvertures n'est pas "la pierre
Philosophale" du jeu d'échecs (heureusement d'ailleurs)
même pour les Supers GMI (imaginez alors pour nous ;o) et passer
des jours et des nuits à l'étudier ne vous évitera
pas, de temps en temps, de vous retrouver après 5 ou 6 coups
dans une position pratiquement inconnue!
Bien jouer aux échecs
c'est : respecter les principes des ouvertures ; faire collaborer ses
pièces entre elles ; jouer avec un plan ; savoir juger une position
; analyser correctement des variantes, et surtout pas réciter
des variantes, qui parfois "transgressent" même les
principes du jeu. En voici un exemple :
P. De Backer - G. Demuydt Coupe
Europe Echecs, 93-E-5
Gambit Morra refusé
1.e4 - c5 2.d4 - cxd4 3.c3 !?
- Cf6 Refusant le cadeau, désireux d'imprimer un jeu plus stratégique
que tactique ! 4.e5 - Cd5 5.Dxd4 5.Cf3 ou 5.Fc4 sont joués plus
souvent. 5...e6 6.Cf3 - Cc6 7.De4 - f5 8.De2 8.exf6 en passant semble
meilleur. 8...Dc7 Les Noirs choisissent de lorgner sur e5, limitant
les possibilités des Blancs. Nous sommes toujours dans l'ouverture
et nous nous contentons de choisir les variantes. Mais sont elles correctes
? Voyons la suite, 9.g3 b6 10.c4 Clouez-moi semble-t-il demander...
10...Fa6 Bon, d'accord ! 11.b3 Même si aux échecs il faut
juger la position sans se préoccuper de son "historique",
une petite réflexion nous amène à penser que quelque
chose ne va pas dans l'ouverture blanche. Ils ont joué un gambit,
normalement avec l'idée d'attaquer grâce à un développement
rapide, les Noirs refusent le cadeau Grec et les Blancs poursuivent
en jouant 7 coups de pions sur 11 coups au total !
11...Fb4+ 12.Fd2 - Fxd2+ 13.Cbxd2
- Cdb4 14.Cb1 Un "vilain" coup... Forcé et théorique
!
Après 14.Cb1
Et maintenant la théorie
"offre" aux noirs 14...Cxe5 !? 15.Cxe5 - Cc2+ etc... Mais
les Blancs attaquent ! Après environ 3 heures passées
à triturer les variantes, les Noirs réfutent la variante
avec une "nouveauté théorique".
14...Fb7 !! 15.a3 - Cd3+ ! C'est
grâce à cette pirouette que 14...Fb7 est fort. 16.Dxd3
- Cxe5 17.Dc3 - Cxf3+ 18.Re2 - De5+ 19.Rd1 - Dd4+ 20.Dxd4 ?! 20.Fd3
!? 20...Cxd4 21.Tg1 - Ff3+ ! 22. Les Blancs abandonnent, ils perdent
encore 1 pion et une qualité. En fait, la partie n'a durée
que 8 coups !
Dans la partie suivante, c'est
pratiquement au premier coup que les Blancs se retrouvent "hors
livres!"
Demuydt Gérard - Vicente
Marcel (2150) Open APSAP -1996- R2
Début du pion Dame
1.d4 - c5 !? (Et hop là
! Ce coup évite toutes mes préparations. J'avais préparé
pour ce tournoi, le Blackmar-Diemer Gambit !? [1.d4..d5 2.e4..dxe4 3.Cc3..Cf6
4.f3 ou 1.d4.. Cf6 2.Cc3..d5 3.e4..dxe4 4.f3] toutes les transpositions
au 2e coup retombent dans les débuts avec 1.e4 que je joue depuis
plus de 20 ans.) 2.d5 - d6 3.e4 (Si l'on veut jouer avec le pion c2
en c4 et retrouver des schémas types Bénoni, "c'était
maintenant"). 3...Cf6 4.Cc3 - g6 (Ce sera donc une défense
"presque" Pirc !) 5.Fg5 !? - Fg7 6.Dd2 - Da5!? 7.Cf3 - Db4?!
(Ici, vaut mieux : 7...h6 !? ou 7...a6 plutôt que cette fausse
attaque double.)
Après 7...Db4 ?!
8.Fb5+ - Fd7 9.Fxd7+ - Cfxd7
!? (Pression maximale ! 9...Cb8xd7 10. O-O ! [et non pas 10.O-O-O ??
- Cxe4 et 0.1]) 10.O-O-O - h6 11.Ff4 - g5 12.Fg3 - Cb6 13.a3 - Da5 ?!
(Trop ambitieux. 13...Fxc3 ! 14.Dxc3 - Dxc3 15.bxc3 avec égalité).
14.e5! (L'horizon du Fg7 restera bouché jusqu'à l'abandon
des Blancs). 14...O-O 15.Dd3 (Empêche ...Cc4). 15...c4 ?? (Une
gaffe positionnelle terrible, équivalente à laisser une
pièce en prise).
Après 15...c4 ?
(Plus aucun Cavalier n'ira en
c4 ! La Dame peut maintenant laisser la défense de l'aile-dame
et aller en f5 en toute tranquillité. 15...Ca6 !?) 16.Df5 - Ca6
17.h4 (Les Noirs n'ont plus rien sur l'aile Dame, les Blancs s'en vont
massacrer sur l'autre aile !) 17...g4 18.Dxg4 - Cc5 19.Ff4 !? (Vise
le mat.) 19...Rh7 20.Df5+ - Rg8 Sur 20...Rh8 21.Cg5 ! 21.Th3 (Ici 21.Fxh6
est aussi très bon) 21...Cc5-a4 22.Cxa4 - Dxa4 23.Tg3 - c3 24.Fxh6
- cxb2+ (Un échec de consolation... ) 25.Rb1 ! - ... Abandon.
Position finale.
Bent Larsen est bien connu pour
son traitement particulier de l'ouverture, nous lui devons d'ailleurs
la respectabilité de 1.b3. Dans la partie qui suit il nous montre
comment, dans l'ouverture, poser des problèmes à un adversaire
sans pour autant ingurgiter des tonnes de variantes.
B. Larsen - L. Portisch IZ, Amsterdam
1964
Française
1.e4 e6 2.d4 d5 3.Cc3 Fb4 4.exd5
exd5 5.Df3!?
Après 5.Df3!?
Et voilà, fin des bouquins
! Cette idée jouée par Larsen dans quelques parties rapides
contre son ami Palle Ravn (champion du Danemark en 1957), est dirigée
contre la manoeuvre ...Ce7 et ...Ff5, typique de la variante d'échange
de la Française. 5...Cc6
Voici quelques variantes de Larsen :
A) 5...Ce7 6.Fd3 Cbc6 7.Ce2 et les Blancs sont très bien.
B) 5...Fe6 (O'Kelly) 6.Fd3 Df6 7.Ff4! Idem.
C) 5...c5 6.dxc5 d4 7.a3 Da5 8.Tb1 Idem.
D) 5...De7+! 6.Ce2!? ; 6.Fe3!? et le jeu n'est pas clair.
Bien entendu, nous nous plaçons
du point de vue d'un joueur de tournoi... C'est à dire confronter
son adversaire à une surprise dans l'ouverture, l'obligeant à
dépenser du temps. Bien souvent, dans cette situation, beaucoup
de joueurs cherchent 1 coup où ils ne s'en sortent pas trop mal...
Bien rare sont ceux qui cherchent LA réfutation !
6.Fb5 Cge7 7.Ff4 O-O 8.O-O-O
Après 8.OOO
8...Ca5?! 9.Cge2 c6 10.Fd3 b5
11.h4! Le prélude normal à l'attaque. 11...Cc4 12.h5 f6
Pourquoi les noirs ne jouent-ils pas 12...Da5 ou 12...a5 ?... A cause
de la menace 13.h6 g6 14.Fc7 ! Dxc7 15.Df6 et gagne. 12...h6 g4! 13.g4
Da5 14.Fxc4 dxc4 15.a3! Fxc3 16.Cxc3 Dd8 17.The1 a5? 18.Dg3 Ta7 19.h6
! Il n'est pas nécessaire pour les Blancs d'ouvrir des colonnes
sur cette aile, la colonne e étant déjà à
leur disposition. Mais un nouvel affaiblissement des cases noires est
souhaitable. 19...g6 20.Fd6 Te8 20...Tf7 21.Te2 et les Noirs sont perdus
- 21.Df4!
Après 21.Df4!
Larsen lui-même remarque
: " Les Blancs ont une position nettement gagnante. Celle-ci aurait-elle
eu lieu aussi rapidement avec une ligne de jeu théorique ?"
21...Rf7 22.Fe5 f5 23.Fb8 Tb7 24.De5! Tg8 25.g5 b4 26.Df6+ Re8 27.Dxc6+
Rf7 28.Df6+ Re8 29.d5 Tf8 30.Dc6+ Dd7 31.Fd6 Tf7 32.Fxe7 bxc3 33.Fb4+
Les Noirs abandonnent.
Bent Larsen nous propose pour
terminer... Le dessert !
M. Bobotsov - B. Larsen Busum,
1969
Anglaise
1.c4 Cf6 2.Cc3 e6 3.Cf3 Fb4 4.g3
0-0 5.Fg2 d5
Après 5...d5
6.0-0? Un seul mauvais coup et
la partie est perdue ! Il fallait jouer 6.a3! Fe7 7.d4 avec une position
Catalane où le coup a3 qui ne change rien à la position.
(Ne trouvez-vous pas incroyable qu'un GMI sorti de ses livres puisse
perdre en 6 coups ?) 6...dxc4 ! Les Noirs prennent le pion et le conservent
! 7.Da4 Contrairement à beaucoup de Catalanes, il n'y a ici ni
échec, ni menace contre le pion noir. 7...Ca6 ! 8.a3 Fd7 9.Cb5
Coup apparamment insensé, et qui l'est en réalité.
Mais c'est à cause de 6.O-O que le Cavalier échoue là.
9...De8 10.Cfd4 Après 10.Cxc7 Fxa4 11.Cxe8 Fe7! 12.Cxf6! Fxf6,
les Blancs regagnent le pion, mais pourront ils développer leur
aile-Dame ? 10...e5 ! Si 10...c6 11.Cc7 Cxc7 12.Dxb4 b5 et si les Noirs
gardent le pion, les Blancs ont du contre-jeu 11.Fxb7 exd4 12.Fxa6
Après 12.Fxa6
12...Fh3 13.axb4 ? 13.Cc3! et
les Noirs ont une fin de partie avantageuse, mais plus de miniature
! 13...De4 14.Fb7 Dxb7 15.f3 Fd7 0-1 La partie la plus courte jamais
jouée par Larsen contre un grand-maître.
Toutes mes excuses pour
les éventuels problèmes d’affichage (mise au point
en cours).
Note : sauf indication
contraire (1/), a1 constitue la case inférieure gauche de tous
les diagrammes (D) présents sur cette page.